This article is from the source 'nytimes' and was first published or seen on . It last changed over 40 days ago and won't be checked again for changes.

You can find the current article at its original source at https://www.nytimes.com/2018/01/18/arts/music/philippe-jaroussky-academie.html

The article has changed 2 times. There is an RSS feed of changes available.

Version 0 Version 1
Philippe Jaroussky réussira-t-il à ouvrir la musique classique à la diversité? Philippe Jaroussky réussira-t-il à ouvrir la musique classique à la diversité ?
(7 months later)
BOULOGNE-BILLANCOURT, France — Au cours d’un après-midi le mois dernier, le contre-ténor français Philippe Jaroussky vint accueillir les familles des jeunes élèves de son académie de musique, l’institution qu’il avait fondée quelques mois plus tôt dans cette banlieue parisienne. Pour la plupart des invités, c’était la première fois qu’ils assistaient à un concert de musique classique.BOULOGNE-BILLANCOURT, France — Au cours d’un après-midi le mois dernier, le contre-ténor français Philippe Jaroussky vint accueillir les familles des jeunes élèves de son académie de musique, l’institution qu’il avait fondée quelques mois plus tôt dans cette banlieue parisienne. Pour la plupart des invités, c’était la première fois qu’ils assistaient à un concert de musique classique.
Amine Jerbi, enfant de sept ans et d’origine tunisienne, jovial, taquin et un brin agité, courait à travers la salle de musique en tapant dans ses mains.Amine Jerbi, enfant de sept ans et d’origine tunisienne, jovial, taquin et un brin agité, courait à travers la salle de musique en tapant dans ses mains.
« Si on arrive à calmer Amine avec la musique, ce sera une immense victoire », confiait M. Jaroussky en observant l’enfant hyperactif et sujet à des troubles de l’attention.« Si on arrive à calmer Amine avec la musique, ce sera une immense victoire », confiait M. Jaroussky en observant l’enfant hyperactif et sujet à des troubles de l’attention.
À l’origine de sa nouvelle académie, explique-t-il, se trouve un besoin d’ouvrir davantage la musique classique à la diversité, autant sur scène que dans le public. À mesure que ce public vieillit et que les jeunes générations européennes et américaines s’en détournent, le genre connaît un sérieux problème de renouvellement de ses adeptes et de remplissage de ses salles de concert.À l’origine de sa nouvelle académie, explique-t-il, se trouve un besoin d’ouvrir davantage la musique classique à la diversité, autant sur scène que dans le public. À mesure que ce public vieillit et que les jeunes générations européennes et américaines s’en détournent, le genre connaît un sérieux problème de renouvellement de ses adeptes et de remplissage de ses salles de concert.
M. Jaroussky espère faire bouger les lignes, en commençant à petite échelle. Son nouvel institut, l’Académie Musicale Philippe Jaroussky, donne gratuitement des leçons de musique à 23 enfants, la plupart issus de milieux populaires et certains d’origine étrangère.M. Jaroussky espère faire bouger les lignes, en commençant à petite échelle. Son nouvel institut, l’Académie Musicale Philippe Jaroussky, donne gratuitement des leçons de musique à 23 enfants, la plupart issus de milieux populaires et certains d’origine étrangère.
Selon une étude de 2015 commandée par l’Association Française des Orchestres, le public du classique en France se compose pour moitié de cadres d’une moyenne d’âge de 54 ans.Selon une étude de 2015 commandée par l’Association Française des Orchestres, le public du classique en France se compose pour moitié de cadres d’une moyenne d’âge de 54 ans.
M. Jaroussky en fit le constat lors d’un entretien récent : « Que ce soit à Hambourg, à New York ou à Paris, je chante devant le même type de public. Et autant j’adore mon public, autant je suis inquiet. Parce que si nous n’apportons pas de mixité sociale sur scène, nous n’aurons pas de public plus jeune et plus diversifié, non plus ».M. Jaroussky en fit le constat lors d’un entretien récent : « Que ce soit à Hambourg, à New York ou à Paris, je chante devant le même type de public. Et autant j’adore mon public, autant je suis inquiet. Parce que si nous n’apportons pas de mixité sociale sur scène, nous n’aurons pas de public plus jeune et plus diversifié, non plus ».
Les enfants de l’Académie ont entre sept et 12 ans. L’instrument qu’ils ont choisi d’apprendre — piano, violon ou violoncelle — leur est prêté pour les trois ans que dure la formation.Les enfants de l’Académie ont entre sept et 12 ans. L’instrument qu’ils ont choisi d’apprendre — piano, violon ou violoncelle — leur est prêté pour les trois ans que dure la formation.
Yassine Souhir a sept ans et a choisi le violon. Ses artistes préférés sont Rihanna et le rappeur Maître Gims, mais il aime écouter les « Quatre Saisons » de Vivaldi sur YouTube. Macéo Mennesson-Llorente a le même âge. Son choix s’est porté sur le violoncelle lorsqu’il a réalisé, dit-il, qu’il sentait « les vibrations de l’instrument tout près » de son cœur.Yassine Souhir a sept ans et a choisi le violon. Ses artistes préférés sont Rihanna et le rappeur Maître Gims, mais il aime écouter les « Quatre Saisons » de Vivaldi sur YouTube. Macéo Mennesson-Llorente a le même âge. Son choix s’est porté sur le violoncelle lorsqu’il a réalisé, dit-il, qu’il sentait « les vibrations de l’instrument tout près » de son cœur.
Quant à Amine, qui vit dans une famille d’accueil, le violoncelle s’est imposé après qu’il a découvert un binôme de violoncellistes croates, les 2Cellos, qui reprennent des morceaux pop-rock. Ses cours de musique s’ajoutent à un emploi du temps déjà chargé qui inclut des rendez-vous hebdomadaires chez un psychologue et un orthophoniste.Quant à Amine, qui vit dans une famille d’accueil, le violoncelle s’est imposé après qu’il a découvert un binôme de violoncellistes croates, les 2Cellos, qui reprennent des morceaux pop-rock. Ses cours de musique s’ajoutent à un emploi du temps déjà chargé qui inclut des rendez-vous hebdomadaires chez un psychologue et un orthophoniste.
Sa mère d’accueil, Marie-Christine Gérardin, affirme que depuis qu’il a commencé le violoncelle, il chante à la maison, il est plus calme et ses insomnies ont presque disparu.Sa mère d’accueil, Marie-Christine Gérardin, affirme que depuis qu’il a commencé le violoncelle, il chante à la maison, il est plus calme et ses insomnies ont presque disparu.
« Il aime bien faire le clown, mais il se calme dès qu’il prend son violoncelle en main », explique cette ancienne employée d’usine qui élève Amine depuis qu’il a 18 mois.« Il aime bien faire le clown, mais il se calme dès qu’il prend son violoncelle en main », explique cette ancienne employée d’usine qui élève Amine depuis qu’il a 18 mois.
Pour son académie, M. Jaroussky explique s’être inspiré d’initiatives plus ambitieuses telles que El Sistema au Venezuela, un programme d’éducation musicale gratuit qui a formé des centaines de milliers d’enfants depuis 1975, ou du projet Démos ici en France.Pour son académie, M. Jaroussky explique s’être inspiré d’initiatives plus ambitieuses telles que El Sistema au Venezuela, un programme d’éducation musicale gratuit qui a formé des centaines de milliers d’enfants depuis 1975, ou du projet Démos ici en France.
Initié en 2010 et coordonné par la Philharmonie de Paris, ce dernier a été à l’origine de la création de 30 orchestres à travers le pays, chacun d’entre eux composé de plus de 100 enfants originaires de milieux modestes. D’après Gilles Delebarre, l’un des fondateurs de Démos et son président actuel, environ 4 500 enfants sont déjà passés par ce programme gratuit de trois ans et la moitié d’entre eux ont ensuite continué la pratique musicale.Initié en 2010 et coordonné par la Philharmonie de Paris, ce dernier a été à l’origine de la création de 30 orchestres à travers le pays, chacun d’entre eux composé de plus de 100 enfants originaires de milieux modestes. D’après Gilles Delebarre, l’un des fondateurs de Démos et son président actuel, environ 4 500 enfants sont déjà passés par ce programme gratuit de trois ans et la moitié d’entre eux ont ensuite continué la pratique musicale.
« Quand les enfants s’habituent à une pratique culturelle à un jeune âge, ils la gardent », explique-t-il.« Quand les enfants s’habituent à une pratique culturelle à un jeune âge, ils la gardent », explique-t-il.
Pour certains détracteurs, pourtant, de telles initiatives, quoique positives, ne s’adressent qu’à quelques milliers de personnes et n’apportent que des résultats limités. Il serait préférable, disent-ils, d’investir davantage dans l’éducation musicale à l’école ou dans les conservatoires.Pour certains détracteurs, pourtant, de telles initiatives, quoique positives, ne s’adressent qu’à quelques milliers de personnes et n’apportent que des résultats limités. Il serait préférable, disent-ils, d’investir davantage dans l’éducation musicale à l’école ou dans les conservatoires.
Stéphane Dorin, professeur de sociologie à l’Université de Limoges spécialiste de l’évolution des goûts musicaux, estime que des projets comme Démos ou l’académie Jaroussky sont trop chers pour être appliqués à plus grande échelle en France. Le budget de Démos pour 2018 s’élève à 7,8 millions d’euros pour 3 000 enfants, selon M. Delebarre.Stéphane Dorin, professeur de sociologie à l’Université de Limoges spécialiste de l’évolution des goûts musicaux, estime que des projets comme Démos ou l’académie Jaroussky sont trop chers pour être appliqués à plus grande échelle en France. Le budget de Démos pour 2018 s’élève à 7,8 millions d’euros pour 3 000 enfants, selon M. Delebarre.
Estimant que de tels programmes « ne transformeront pas en profondeur la relation que les enfants de milieux populaires entretiennent avec la musique », M. Dorin trouve en revanche excellente la décision annoncée récemment par les ministères de l’Éducation et de la Culture de la mise en place de chorales dans tous les collèges et écoles primaires d’ici à deux ans. Ce « plan chorale », d’un minimum de 20 millions d’euros, concernerait plus de 10 millions d’enfants par an.Estimant que de tels programmes « ne transformeront pas en profondeur la relation que les enfants de milieux populaires entretiennent avec la musique », M. Dorin trouve en revanche excellente la décision annoncée récemment par les ministères de l’Éducation et de la Culture de la mise en place de chorales dans tous les collèges et écoles primaires d’ici à deux ans. Ce « plan chorale », d’un minimum de 20 millions d’euros, concernerait plus de 10 millions d’enfants par an.
C’est justement à l’école que M. Jaroussky est tombé amoureux de la musique. Élevé à Sartrouville, dans les Yvelines, dans une famille de classe moyenne — « ni riche ni pauvre, sans musiciens à la maison » — il explique que c’est son professeur de musique de 6e qui encouragea ses parents à l’inscrire au conservatoire.C’est justement à l’école que M. Jaroussky est tombé amoureux de la musique. Élevé à Sartrouville, dans les Yvelines, dans une famille de classe moyenne — « ni riche ni pauvre, sans musiciens à la maison » — il explique que c’est son professeur de musique de 6e qui encouragea ses parents à l’inscrire au conservatoire.
Il a joué du violon de 10 à 22 ans, a commencé le piano à 15 et le chant à 18. A 21 ans, il chantait en professionnel pour la première fois.Il a joué du violon de 10 à 22 ans, a commencé le piano à 15 et le chant à 18. A 21 ans, il chantait en professionnel pour la première fois.
M. Jaroussky pratiqua le violon de 10 à 22 ans, commença le piano à 15 et le chant à 18. À 21 ans, il chanta en tant que professionnel pour la première fois.M. Jaroussky pratiqua le violon de 10 à 22 ans, commença le piano à 15 et le chant à 18. À 21 ans, il chanta en tant que professionnel pour la première fois.
Agé maintenant de 39 ans et poursuivant une carrière internationale, M. Jaroussky explique vouloir se servir de sa renommée pour inviter des mécènes à soutenir son académie, une pratique bien moins développée en France que dans certains pays comme les États-Unis.Agé maintenant de 39 ans et poursuivant une carrière internationale, M. Jaroussky explique vouloir se servir de sa renommée pour inviter des mécènes à soutenir son académie, une pratique bien moins développée en France que dans certains pays comme les États-Unis.
Le budget annuel de l’académie, de 500 000 euros, est financé à 75 % par des institutions et des dons privés. M. Jaroussky projette de former 100 jeunes musiciens d’ici trois ans et de créer des antennes à Lille et à Marseille.Le budget annuel de l’académie, de 500 000 euros, est financé à 75 % par des institutions et des dons privés. M. Jaroussky projette de former 100 jeunes musiciens d’ici trois ans et de créer des antennes à Lille et à Marseille.
L’Académie Musicale Philippe Jaroussky offre également des master class gratuites à des musiciens et chanteurs professionnels âgés de 18 à 25 ans, dont certaines sont données par M. Jaroussky lui-même, ainsi que des concerts gratuits pour les enfants élèves et leurs parents. L’étude parue en 2015 pour l’Association française des Orchestres révélait que 12 % des publics découvraient le classique par l’influence de leurs propres enfants. L’académie Jaroussky encourage par ailleurs les parents à suivre les progrès de leurs enfants.L’Académie Musicale Philippe Jaroussky offre également des master class gratuites à des musiciens et chanteurs professionnels âgés de 18 à 25 ans, dont certaines sont données par M. Jaroussky lui-même, ainsi que des concerts gratuits pour les enfants élèves et leurs parents. L’étude parue en 2015 pour l’Association française des Orchestres révélait que 12 % des publics découvraient le classique par l’influence de leurs propres enfants. L’académie Jaroussky encourage par ailleurs les parents à suivre les progrès de leurs enfants.
Le mois dernier, l’auditorium de l’académie commençait à se remplir d’enfants agités, de parents intimidés et d’amateurs de musique venus assister au concert de Noël des jeunes professionnels.Le mois dernier, l’auditorium de l’académie commençait à se remplir d’enfants agités, de parents intimidés et d’amateurs de musique venus assister au concert de Noël des jeunes professionnels.
M. Jaroussky s’installa au premier rang, près d’Amine, qui tenait difficilement en place et jouait avec une bouteille d’eau. Au milieu du concert, en entendant les musiciens interpréter le « Trio Élégiaque No. 1 » de Sergueï Rachmaninov, Amine se calma.M. Jaroussky s’installa au premier rang, près d’Amine, qui tenait difficilement en place et jouait avec une bouteille d’eau. Au milieu du concert, en entendant les musiciens interpréter le « Trio Élégiaque No. 1 » de Sergueï Rachmaninov, Amine se calma.
« Ces sons, ils sont tellement beaux », chuchota-t-il, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. « Peut-être que j’essaierai de faire pareil à la maison. »« Ces sons, ils sont tellement beaux », chuchota-t-il, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. « Peut-être que j’essaierai de faire pareil à la maison. »