This article is from the source 'nytimes' and was first published or seen on . It last changed over 40 days ago and won't be checked again for changes.

You can find the current article at its original source at https://www.nytimes.com/2017/04/20/world/europe/france-election-philippe-poutou-npa.html

The article has changed 2 times. There is an RSS feed of changes available.

Version 0 Version 1
L’irrespect assumé : Philippe Poutou se veut porte-parole de l’indignation populaire L’irrespect assumé : Philippe Poutou se veut porte-parole de l’indignation populaire
(about 3 hours later)
PARIS — Il a laissé Marine Le Pen, la candidate du Front National entachée par des scandales de corruption, sans voix. Il a poussé François Fillon, le candidat de la droite accusé de népotisme, à le menacer d’un procès, derrière un sourire glacé. De la part des journalistes à l’allure impeccable qui animaient le débat à 11, il n’a eu droit qu’à des sourires figés et condescendants.PARIS — Il a laissé Marine Le Pen, la candidate du Front National entachée par des scandales de corruption, sans voix. Il a poussé François Fillon, le candidat de la droite accusé de népotisme, à le menacer d’un procès, derrière un sourire glacé. De la part des journalistes à l’allure impeccable qui animaient le débat à 11, il n’a eu droit qu’à des sourires figés et condescendants.
Il suffit une minute à Philippe Poutou, un mécanicien chez Ford au crâne dégarni et à l’allure négligée, originaire de Bordeaux et l’un des “petits” candidats à la présidentielle française, pour crever la bulle dans laquelle les candidats dominants de la course à l’élection se protègent mutuellement. Après le débat, les commentateurs n’eurent de cesse de désapprouver son “manque de respect.” C’était exactement l’intention de M. Poutou. Il a suffit d’une minute à Philippe Poutou, un mécanicien chez Ford au crâne dégarni et à l’allure négligée, originaire de Bordeaux et l’un des “petits” candidats à la présidentielle française, pour crever la bulle dans laquelle les candidats dominants de la course à l’élection se protègent mutuellement. Après le débat, les commentateurs n’eurent de cesse de désapprouver son “manque de respect.” C’était exactement l’intention de M. Poutou.
Son message anticorruption fut si efficace que c’est lui, le concurrent débraillé et “sans espoir” du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), que de nombreux commentateurs ont proclamé vainqueur incontestable du débat de quatre heures entre les 11 candidats à la présidence. M. Poutou, 50 ans, fut propulsé au statut de héros populaire dénonçant sans artifice ce qui préoccupe un grand nombre de Français : la corruption manifeste d’une classe politique enfermée dans ses privilèges.Son message anticorruption fut si efficace que c’est lui, le concurrent débraillé et “sans espoir” du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), que de nombreux commentateurs ont proclamé vainqueur incontestable du débat de quatre heures entre les 11 candidats à la présidence. M. Poutou, 50 ans, fut propulsé au statut de héros populaire dénonçant sans artifice ce qui préoccupe un grand nombre de Français : la corruption manifeste d’une classe politique enfermée dans ses privilèges.
Bien que les affaires de corruption soient largement étalées dans la presse écrite, au cours de ce type de débat elles restent en général tabous, étouffées derrière une façade de respectabilité.Bien que les affaires de corruption soient largement étalées dans la presse écrite, au cours de ce type de débat elles restent en général tabous, étouffées derrière une façade de respectabilité.
Mais M. Poutou n’avait pas l’intention de passer outre. Au lieu d’un costume, il portait un T-shirt blanc à manches longues, et il s’était à peine rasé. Il refusa de poser pour la photo de groupe avant le débat.Mais M. Poutou n’avait pas l’intention de passer outre. Au lieu d’un costume, il portait un T-shirt blanc à manches longues, et il s’était à peine rasé. Il refusa de poser pour la photo de groupe avant le débat.
“C’est pas parce que j’ai pas de cravate qu’il faut me couper”, a-t-il lancé à l’une des journalistes qui tentait de l’interrompre. Candidat d’un parti d’extrême gauche n’ayant réuni que 1% des voix à la dernière élection présidentielle, M. Poutou n’avait pas grand-chose à perdre.“C’est pas parce que j’ai pas de cravate qu’il faut me couper”, a-t-il lancé à l’une des journalistes qui tentait de l’interrompre. Candidat d’un parti d’extrême gauche n’ayant réuni que 1% des voix à la dernière élection présidentielle, M. Poutou n’avait pas grand-chose à perdre.
Ça allait chauffer.Ça allait chauffer.
C’est arrivé tel un missile Scud, selon Le Monde.C’est arrivé tel un missile Scud, selon Le Monde.
M. Poutou s’est tourné vers Mme Le Pen, dont le parti semble être sur le point de faire une percée historique, et qui semble pratiquement assurée d’une place au second tour de l’élection en mai, vraisemblablement contre l’ancien ministre de l’économie Emmanuel Macron.M. Poutou s’est tourné vers Mme Le Pen, dont le parti semble être sur le point de faire une percée historique, et qui semble pratiquement assurée d’une place au second tour de l’élection en mai, vraisemblablement contre l’ancien ministre de l’économie Emmanuel Macron.
Le Front National est cependant englué dans deux affaires de corruption, l’une concernant des emplois fictifs au Parlement européen, l’autre des fausses factures de campagne remboursées par l’État. Des proches de la candidate ont été mis en examen.Le Front National est cependant englué dans deux affaires de corruption, l’une concernant des emplois fictifs au Parlement européen, l’autre des fausses factures de campagne remboursées par l’État. Des proches de la candidate ont été mis en examen.
Mme Le Pen, prétendue “outsider” d’un parti populiste, a jusqu’à présent refusé de répondre aux convocations de la police en raison de son immunité parlementaire.Mme Le Pen, prétendue “outsider” d’un parti populiste, a jusqu’à présent refusé de répondre aux convocations de la police en raison de son immunité parlementaire.
Cela met M. Poutou très en colère. Il ne s’est pas embarrassé de titres honorifiques ou de prénoms — une autre source d’indignation des commentateurs de télévision.Cela met M. Poutou très en colère. Il ne s’est pas embarrassé de titres honorifiques ou de prénoms — une autre source d’indignation des commentateurs de télévision.
“Le Pen, pareil, on pique dans les caisses publiques”, a dit M. Poutou. “Alors là, c’est pas ici, c’est l’Europe. L’Europe, pour quelqu’un qui est anti-européen, ça ne gêne pas de piquer l’argent de l’Europe. Et le pire, c’est qu’en plus le FN, qui se dit anti-système, ne s’emmerde pas du tout, se protège grâce aux lois du système, grâce à l’immunité parlementaire et donc refuse d’aller aux convocations policières.”“Le Pen, pareil, on pique dans les caisses publiques”, a dit M. Poutou. “Alors là, c’est pas ici, c’est l’Europe. L’Europe, pour quelqu’un qui est anti-européen, ça ne gêne pas de piquer l’argent de l’Europe. Et le pire, c’est qu’en plus le FN, qui se dit anti-système, ne s’emmerde pas du tout, se protège grâce aux lois du système, grâce à l’immunité parlementaire et donc refuse d’aller aux convocations policières.”
De l’avis général, il a ensuite marqué le plus beau point de la soirée, visant directement Mme Le Pen : “Quand on est convoqué par la police, nous, ouvriers, on n’a pas d’immunité ouvrière, désolé, on y va”, a-t-il affirmé.De l’avis général, il a ensuite marqué le plus beau point de la soirée, visant directement Mme Le Pen : “Quand on est convoqué par la police, nous, ouvriers, on n’a pas d’immunité ouvrière, désolé, on y va”, a-t-il affirmé.
Il n’avait pas l’air de plaisanter. Une salve d’applaudissements des spectateurs présents salua immédiatement son trait. Mme Le Pen, visiblement désarçonnée, et contrairement à son habitude, resta silencieuse. Un ouvrier d’usine venait de lui reprocher d’être une enfant privilégiée du système — une frappe atomique à l’encontre d’une populiste dont les meetings sont toujours encadrés de bannières affichant le slogan “Au nom du peuple.Il n’avait pas l’air de plaisanter. Une salve d’applaudissements des spectateurs présents salua immédiatement son trait. Mme Le Pen, visiblement désarçonnée, et contrairement à son habitude, resta silencieuse. Un ouvrier d’usine venait de lui reprocher d’être une enfant privilégiée du système — une frappe atomique à l’encontre d’une populiste dont les meetings sont toujours encadrés de bannières affichant le slogan “Au nom du peuple.
“Le coup”, nota Le Monde, “était rude.”“Le coup”, nota Le Monde, “était rude.”
La saillie de M. Poutou fut saluée par les éditorialistes de la France entière et enflamma les réseaux sociaux.La saillie de M. Poutou fut saluée par les éditorialistes de la France entière et enflamma les réseaux sociaux.
“L’un en est sorti grand vainqueur : Philippe Poutou”, nota L’Est Républicain depuis Nancy. “En cassant les us du système, Philippe Poutou a mis en forme, avec des mots simples, un sentiment largement répandu.”“L’un en est sorti grand vainqueur : Philippe Poutou”, nota L’Est Républicain depuis Nancy. “En cassant les us du système, Philippe Poutou a mis en forme, avec des mots simples, un sentiment largement répandu.”
M. Poutou avait “crevé l’écran”, assura Le Courrier Picard. C’était “comme l’irruption d’un certain réel dans l’univers empesé et très codifié de la sphère médiatico-politique.”M. Poutou avait “crevé l’écran”, assura Le Courrier Picard. C’était “comme l’irruption d’un certain réel dans l’univers empesé et très codifié de la sphère médiatico-politique.”
“Le diable Poutou est sorti de sa boîte pour attaquer Fillon”, affirma La République des Pyrénées. Puis, contre Marine Le Pen : “Poutou a marqué la balle de match. Si l’on ne garde qu’une chose de ce débat, c’est ça qu’on retiendra.”“Le diable Poutou est sorti de sa boîte pour attaquer Fillon”, affirma La République des Pyrénées. Puis, contre Marine Le Pen : “Poutou a marqué la balle de match. Si l’on ne garde qu’une chose de ce débat, c’est ça qu’on retiendra.”
M. Fillon, le candidat des Républicains et autrefois leader de la course, fut à peine épargné par M. Poutou. Son score dans les sondages baisse régulièrement depuis qu’il fait l’objet d’une enquête, et désormais d’une mise en examen, pour usage de fonds publics pour financer l’emploi fictif comme assistante parlementaire de son épouse.M. Fillon, le candidat des Républicains et autrefois leader de la course, fut à peine épargné par M. Poutou. Son score dans les sondages baisse régulièrement depuis qu’il fait l’objet d’une enquête, et désormais d’une mise en examen, pour usage de fonds publics pour financer l’emploi fictif comme assistante parlementaire de son épouse.
La révélation qu’il s’est fait offrir par un entremetteur politique deux beaux costumes d’une valeur de 13 000 euros chez l’un des tailleurs les plus huppés de Paris ne l’a pas aidé. L’image de probité de M. Fillon s’est brisée et son programme d’austérité pour la France se trouve ridiculisé.La révélation qu’il s’est fait offrir par un entremetteur politique deux beaux costumes d’une valeur de 13 000 euros chez l’un des tailleurs les plus huppés de Paris ne l’a pas aidé. L’image de probité de M. Fillon s’est brisée et son programme d’austérité pour la France se trouve ridiculisé.
“François Fillon, voilà, il est en face de moi”, commença M. Poutou. Sa cible se décala légèrement sur son siège, le sourire crispé. “Que des histoires. Et plus on fouille, plus on sent la corruption, plus on sent la triche. En plus, c’est des bonshommes qui nous expliquent qu’il faut la rigueur, qu’il faut l’austérité, et eux-mêmes piquent dans les caisses publiques.”“François Fillon, voilà, il est en face de moi”, commença M. Poutou. Sa cible se décala légèrement sur son siège, le sourire crispé. “Que des histoires. Et plus on fouille, plus on sent la corruption, plus on sent la triche. En plus, c’est des bonshommes qui nous expliquent qu’il faut la rigueur, qu’il faut l’austérité, et eux-mêmes piquent dans les caisses publiques.”
M. Fillon murmura, furieux : “Je vais vous foutre un procès, vous.”M. Fillon murmura, furieux : “Je vais vous foutre un procès, vous.”
Après le débat, les commentateurs de télévision à Paris affichaient un certain dédain. “Je ne pense pas qu’il mérite quelqu’honneur que ce soit”, dit Anna Cabana, chroniqueuse chez BFM-TV. “Il s’est conduit de manière irrespectueuse.”Après le débat, les commentateurs de télévision à Paris affichaient un certain dédain. “Je ne pense pas qu’il mérite quelqu’honneur que ce soit”, dit Anna Cabana, chroniqueuse chez BFM-TV. “Il s’est conduit de manière irrespectueuse.”
Mais tel ne fut pas le verdict des réseaux sociaux. Et M. Fillon risque maintenant de perdre la troisième place au premier tour du vote le 23 avril au profit du candidat d’extrême-gauche Jean-Luc Mélenchon, un vétéran dont le style relativement débridé et populiste fait mouche.Mais tel ne fut pas le verdict des réseaux sociaux. Et M. Fillon risque maintenant de perdre la troisième place au premier tour du vote le 23 avril au profit du candidat d’extrême-gauche Jean-Luc Mélenchon, un vétéran dont le style relativement débridé et populiste fait mouche.
“Après le débat”, M. Poutou appréciait sa nouvelle célébrité.“Après le débat”, M. Poutou appréciait sa nouvelle célébrité.
“C’est un peu surprenant, on n’a pas l’habitude”, s’étonna-t-il, lors d’une brève interview téléphonique entre deux rendez-vous. “C’est très saisissant dans la rue. Les gens me disent ‘Bravo, merci beaucoup.’ On se rend compte que ça a touché beaucoup de monde. C’est ce que les gens pensent, mais on ne le dit jamais aux politiciens en face.”“C’est un peu surprenant, on n’a pas l’habitude”, s’étonna-t-il, lors d’une brève interview téléphonique entre deux rendez-vous. “C’est très saisissant dans la rue. Les gens me disent ‘Bravo, merci beaucoup.’ On se rend compte que ça a touché beaucoup de monde. C’est ce que les gens pensent, mais on ne le dit jamais aux politiciens en face.”